

Si l’Espagne est réputée pour la qualité de sa scène culinaire, la cuisine basque-espagnole, et plus spécialement celle de la ville de San Sebastian, se démarque par sa créativité. Il ne faut pas s’étonner ainsi que le plus vieux festival gastronomique du monde de notoriété internationale, le San Sebastian Gastronomika, s’y tient depuis 25 ans.
San Sebastián (ou Saint-Sebastien) est une ville côtière située en Espagne, dans le Pays basque. C’est en plus d’une station balnéaire prisée pour sa plage, une destination pour les foodies. Photo @lecarnetdemc.ca
Pour célébrer sa 26e édition, les organisateurs ont mis le paquet. L’événement, qui a eu lieu du 7 au 9 octobre dernier au centre de congrès Kursaal, a réuni les acteurs les plus significatifs de l’industrie alimentaire dont des producteurs, distributeurs, chefs étoilés, mais aussi des passionnés de cuisine du monde entier. La mission du festival, année après année, est de faire découvrir aux participants, la richesse des saveurs et les innovations culinaires tout en célébrant la culture gastronomique basque.
Centre des foires Kursaal, San Sebastian Gastronomika @lecarnetdemc.ca
Le programme de l’événement proposait ainsi des conférences et des ateliers dans le grand amphithéâtre du centre des congrès, ainsi que des dégustations et démonstrations culinaires dans les halls d’expositions. Tout le meilleur de la cuisine basque et espagnole y était représenté dans un étalage de produits locaux : jambon ibérique, lomo de bœuf, poissons et fruits de mer, fromages, mais aussi des vins du terroir, offerts à la dégustation. Sur la scène de l’amphithéâtre, les stars et les chefs émergents de la cuisine locale et internationale se produisirent, sous forme de masterclass, au grand bonheur des foodies !
Une des présentations à l’auditorium du Congrès.
@lecarnetdemc.ca
Le slogan de cette édition « Saint-Sébastien, ville ouverte » a mis de l’avant l’ouverture sur le monde de la cuisine basque d’aujourd’hui. Avec des chefs venant des quatre coins du monde (Pérou, Danemark, Allemagne, Italie, France, États-Unis) en plus de ceux du pays invité, le Portugal, les échanges et la diversité des sujets abordés de cette année ajoutèrent à l’intérêt du congrès. Les acteurs de la cuisine basque y étaient dûment représentés. Le chef Pedro Subijana, du restaurant Akelarre triple étoilé Michelin, a notamment été honoré cette année pour son rôle de pionnier de la cuisine basque.
Parmi les conférenciers tant attendus, la cheffe basque Elena Arzak (4egénération de chefs dans sa famille), qui a repris le restaurant éponyme de son père et a su garder les 3 étoiles Michelin que son père a réussi à obtenir. L’établissement Arzak de San Sebastian, qui a une histoire remontant à 1897, a toujours été intimement lié à son terroir : « J’ai eu la chance de travailler 25 ans avec mon père avant qu’il ne se retire; il m’a insufflé la passion de la cuisine et l’importance de travailler avec les producteurs locaux. Très jeune, il m’emmenait au marché du coin et me montrait les différents producteurs avec qui il aimait travailler. J’ai hérité de lui certaines préparations plus traditionnelles du pays basque, comme l’huile d’olive infusé à l’ail et le persil haché mais, comme l’innovation est aussi au cœur de notre cuisine, on a intégré des techniques qui nous viennent d’ailleurs. Parmi celles-ci, la lacto-fermentation, pour conserver les aliments et aussi l’utilisation d’une machine 3D et d’autres méthodes ingénieuses qui nous permettent d’offrir une cuisine innovante », nous a confié la cheffe émérite.
La cheffe basque Elena Arzak, triple étoilée Michelin qui fait sa présentation sur scène et nous parle de l’héritage de son père @lecarnetdemc.ca
Lors de mon entrevue avec la cheffe basque Elena Arzak. La cheffe parle très bien le français et est très sympathique @lecarnetdemc.ca
De son côté, le chef Edorta Lamo qui a reçu une étoile Michelin pour son restaurant Arrea! situé à l’écart de la ville, à Santa Cruz de Campezo, s’est réapproprié le mode de subsistance de ses ancêtres. Il offre ainsi une cuisine rurale, nourrie de la flore et de la faune environnante de la Montana Alavesa (une région parsemée de montagnes et de vallées à l’écart de la ville). « Je pratique une cuisine durable avec une prédominance de plats de gibiers. Cette tradition vient de mes ancêtres qui ne possédaient pas leur propre terre pour cultiver ou élever des animaux; ils devaient alors chasser dans les montagnes pour subsister. Ils prenaient déjà soin de l’environnement et adoptaient des pratiques écologiques saines, à l’empreinte écologique responsable », nous a expliqué le chef de l’Arrea!
Le chef basque Edorta Lamo en pleine conférence sur les produits de subsistance de la montagne. @lecarnetdemc.ca
Venaison des montagnes servi de jolie façon, interprétation du chef Edorta Lamo du restaurant Arrea! @lecarnetdemc.ca
Avec le chef Edorta Lamo du Arrea! lors de mon entrevue au San Sebastian Gastronomika. @lecarnetdemc.ca
Les thèmes de l’écoresponsabilité, de la cuisine durable et du gaspillage alimentaire étaient en avant-plan cette année au congrès alimentaire, en plus de l’innovation. Si des chefs pionniers basques comme Roberto Ruiz et Aitor Arregi ont semé les graines d’une gastronomie qui défend les trésors de leur territoire, avec une politique « KM 0 », respectueuse de l’environnement et valorisant les producteurs locaux, aujourd’hui plusieurs chefs d’avant-garde, comme Edorta Lamo et Elena Arzak, suivent cette voie et font rayonner la cuisine basque et ses produits à travers le monde. Fait intéressant, dans un rayon d’à peine 15 kilomètres autour de San Sebastian, se trouve la plus grande concentration de chefs étoilés du monde !
Avec le chef basque Roberto Ruiz initiateur du projet KM0. @lecarnetdemc.ca
Comme à chaque année, les organisateurs de ce festival gastronomique reçoivent un pays invité qui sera à l’honneur et qui permettra de faire connaître sa gastronomie et ses ambassadeurs au public. Pour l’édition de cette année, le Portugal a été retenu et on a ainsi pu voir à l’œuvre et écouter les réputés chefs José Avillez (restaurant Belcanto, Lisbonne 2*),
João Rodrigues (Canalha, Lisbonne) ainsi que Marlene Vieira et Joao Sa du Sala (1*), entre autres. Des réalités telles que la traçabilité des produits locaux, évoquée par João Rodriguez avec son Projet Materia, la modernisation d’une cuisine traditionnelle avec le chef José Aviles ou la mise en place d’une cuisine régénérative par le chef Rodrigo Castelo, ont été des sujets très prisés au congrès. Des enjeux plus internationaux comme le manque d’employés en restauration et la hausse des coûts des matières premières ont aussi été évoquées durant les conférences.
Allocution et masterclass du chef portugais Joao Rodrigues sur le projet Materia, générateur d’une cuisine locale, et instigateur d’une cartographie de producteurs locaux. https://www.projectomateria.pt/en/sobre
Si la scène culinaire régionale basque a nettement été mise en valeur au congrès, celle de plusieurs régions de l’Espagne l’ont été aussi. Que ce soit par les conférences de chefs notoires, comme Carles Abellan de Barcelone, qui nous a entretenu de l’avenir des tavernes au pays, ou par les dégustations de vins et de produits régionaux (cette année la Galice, la Murcie, les vins du Tenerife et la gastronomie des îles Canaries, se sont particulièrement illustrés), les saveurs espagnoles et leurs ambassadeurs ont pu être découverts du public. Également, des repas à thème, mettant en valeur les ingrédients locaux de chaque province, et interprétés de brillante façon par les chefs Juan Carlos Cloquente et Jesus Camacho de Tenerife ou Carmelo Gonzales et Nelson Perez Molina de la Grande Canarie, nous ont littéralement subjugués.
Avec le chef entrepreneur et consultant sur le concept de « tavernes » espagnoles, Carles Abellan. À Montréal Abellan avait même ouvert en 2013, le Tapas 24 (aujourd’hui fermé), un concept de taverne convivial où déguster de petits plats à partager. Au congrès, lui et d’autres propriétaires de tavernes nous ont parlé de l’avenir de ces lieux dans un contexte économique difficile, où les gens préfèrent les endroits où les repas sont économiques et les boissons aussi. @lecarnetdemc.ca
Les chefs de Grande Canarie Carmelo Gonzales et Nelson Perez Molina qui nous ont concocté des spécialités locales vraiment délicieuses. @lecarnetdemc.ca
Carnita de boeuf et de chèvre dégusté à l’événement lunch de Grande Canarie @lecarnetdemc.ca
Photo des chefs Juan Carlos Cloquente et Jesus Camacho du Tenerife qui préparent les plats aux ingrédients locaux pour leur événement lunch auquel on est invités. lecarnetdemc.ca@
Côté innovations, une éloquente prestation a eu lieu sur la scène de l’auditorium : un combat entre l’intelligence artificielle en cuisine et le travail d’un chef de renom, le chef Ricard Camarena du restaurant éponyme deux étoiles Michelin de Valence. Malgré une lutte très serrée, le chef a tout de même remporté la compétition contre l’IA, en exécutant des plats de brillante façon et en dressant mieux les assiettes.
Les amateurs de vins étaient bien servis également avec des dégustations et des masterclass de plusieurs régions d’Espagne. Les vins du Pays basque (ou « Euskadi ») étaient à l’honneur avec des variétés différentes chaque jour. Le populaire « Txakoli » vin d’appellation basque surtout en blanc, est servi dans tous les restaurants de San Sebastian et on a pu le découvrir dès notre premier jour au kiosque des vins Euskadi. La particularité du Txakoli c’est qu’il est léger, faible en alcool (9 à 11% maximum), perlant, aromatique et très acide. Il est idéal à l’apéritif, désaltérant, ou servi avec les fruits de mer et poissons.
Vins basques, dont le « Txakoli » est l’appellation la plus répandue, c’Est une sorte de vins et non une region @lecarnetdemc.ca
Un des attraits de San Sebastian, c’est ses nombreuses spécialités culinaires. Si le congrès SSGastronomika permet de goûter à certains produits d’exception, il faut absolument sortir manger dans un des restos de la vieille ville pour saisir l’importance que revête la nourriture et la cuisine dans la culture basque.
(VOIR ARTICLE : À la découverte de la cuisine basque)
En bref, l’édition de 2024 du San Sebastian Gastronomika fut un succès retentissant avec un record d’assistance. C’est un congrès culinaire unique en son genre et peut-être un des plus intéressants au monde, car il permet de découvrir les spécialités culinaires de toute l’Espagne, les tendances alimentaires mondiales et celles de la restauration, de rencontrer des chefs reconnus et de se familiariser avec la gastronomie basque.
Pour participer à l’édition 2025, suivez l’information diffusée sur le site du congrès gastronomique https://www.sansebastiangastronomika.com/en.
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